Ici la scène change. Une longue suite
de monticules, de mamelons, de ravines et de gorges se succèdent avec une monotonie
désespérante. Cette nature a été horriblement tourmentée à l'époque des formations
géologiques, sous la pression du glacier continental. Ce doit être ici surtout
qu'Arthur Buies a vu ces " vagues de terre " qui l'ont si singulièrement frappé
dans sa visite de la Vallée. Ici le lac Matapédia a disparu, et une rivière
de moyenne importance, la rivière Matapédia, passe devant le village. Des hommes
de progrès ont su cependant utiliser la force motrice de cette rivière pour
faire rayonner l'électricité sous toutes ses formes dans toute la région.
Du côté agricole, c'est la plus belle
et la plus prospère des paroisses de la région. Cependant elle est jeune elle
aussi. Ce n'est qu'en 1889, comme sa voisine, qu'elle a eu son existence canonique.
Pourtant elle a une population de plus de 3000 âmes, avec un village de trois
cents familles, érigé en municipalité civile. On vient d'y construire une grande
église en pierre et une académie pour les garçons. Pour les filles du village,
on a, depuis plusieurs années déjà, un couvent dirigé par les Religieuses du
St-Rosaire. Un vent de progrès a soufflé sur Amqui en ces dernières années.
Des hommes d'initiative ont doté, non sans luttes épiques, le village d'améliorations
que l'on ne rencontre guère que dans les villes les plus importantes.
Légende
La montagne à Fournier
Frédéric Fournier, arpenteur de
Saint-Jean-Port-Joli venu s'établir dans la région, se noie sur
la rivière Matapédia le 6 juin 1831. Disparu dans les remous,
des Indiens découvrent le corps quelques semaines plus tard. On l'enterre
au pied de la montagne face à l'endroit où on l'a retrouvé.
Après quelques années, sa famille décide de rapatrier le
corps à Saint-Jean-Port-Joli. Ses restes sont exhumés et on les
installe sur une voiture tirée par des chevaux. Rien n'y fait, la voiture
ne bouge pas d'un centimètre. On décide alors de le transporter
dans un canot tiré par 4 indiens. Malgré la force des pagayeurs,
là encore, on n'arrive pas à avancer.
Croyant que la montagne avait adopté Frédéric
Fournier, on se résigne à l'inhumer de nouveau à l'endroit
de sa première sépulture. Encore aujourd'hui, on peut apercevoir
sa tombe sur la route 132 entre Amqui et Lac-au-Saumon.